Mathieu Lheriteau: « Les travaux préparatoires au projet d’administration ont également permis d’être réactifs voire agiles »

Quelles sont les questions spécifiques en termes de RH et d’organisation, la fin progressive de l’incarcération (peurs individuelles, reconstruction du collectif). En d’autres termes, quand et comment ramener les équipes sur les lieux?

Le principal message à transmettre est que la reprise des activités est possible en toute sécurité étant donné la préparation de plans de reprise après sinistre et la fourniture d’équipements de protection. La complexité vient à long terme car les décisions sont évolutives et il ne faut pas penser que la baisse des besoins est une régression par rapport à la prise en compte du risque. Comme tout le monde, les agents sont confrontés à des ordres qui évoluent dans le temps et peuvent les considérer comme contradictoires.

Pour atténuer cette difficulté, il faut rappeler la différence entre les objectifs à atteindre, qui sont largement immuables, et les moyens de les atteindre, qui peuvent être ajustés. Par exemple, le président d’Agglopolys souhaitait une réouverture rapide des équipements culturels de la ville. J’ai demandé que l’accueil du public reprenne bientôt, qu’il s’agisse de cours au conservatoire ou d’emprunt de livres aux médiathèques. Il s’agit d’un engagement de service public. Mais nous avons été flexibles avec les méthodes de récupération pour sécuriser les agents et le public.

Indirectement, en construisant des projets pour mener à bien nos missions de service public dans un contexte renouvelé, les agents peuvent se remettre au travail avec des objectifs de motivation pour l’avenir et pas seulement pour la gestion de crise.

À quel moment pensez-vous que votre organisation était maintenant prête à répondre au mieux et qu’est-ce qui doit être amélioré ou même créé?

Cette question s’adresse davantage aux municipalités qui fournissent la plupart des services locaux. Les autorités intercommunales ont une structure différente et leurs pouvoirs incluent souvent des questions sur la gestion des risques. L’avantage d’Agglopolys est la forte coordination mutuelle avec la ville de Blois. Les services ont ainsi pu bénéficier rapidement d’outils de gestion de crise pour assurer des services locaux de qualité tout au long de la crise.

Nous avions également précédemment travaillé sur un projet administratif qui avait déjà permis d’améliorer la transversalité et la connaissance mutuelle des différents services. Ainsi, de l’appel à volontaires pour mettre en place de nouveaux services ou pour aider des services en sous-effectif, nous avions une longue liste d’agents qui se plaignaient même si nous ne leur en demandions pas assez!

Nous avons pu créer des services ponctuels (portage de shopping, fabrication de masques, call center, etc.) car nous avions tissé les liens et favorisé la cohérence des services. Tout n’était pas parfait. Mais tout a été fait avec un engagement fort de la plupart des agents.

Une crise se révèle souvent. Qu’a-t-il révélé sur vos forces et vos faiblesses en ce moment?

Comme je viens de le dire, la période de crise montre la qualité du travail précédent. Évidemment, ce travail préparatoire concerne la sensibilisation aux risques. La région de Blois est régulièrement inondée. Il existe donc une culture de résilience fortement intégrée dans les services. Mais le travail préparatoire autour du projet d’administration a aussi permis d’être réactif, voire agile comme on dit maintenant.

Une autre force a été l’introduction du télétravail à très grande échelle. Nous avions adopté une charte de télétravail et une cinquantaine d’agents de la ville et de l’agglomération de Blois travaillent au télétravail un jour par semaine depuis des années. En quelques jours, le DSI a escorté près de 350 agents supplémentaires, leur permettant de se connecter plus souvent à leur poste de travail sur leurs outils PC depuis chez eux. Nous verrons si cela a créé de nouvelles applications de télétravail et si cela va changer la façon de travailler à domicile sans attendre les équipements de la communauté.

De nombreux citoyens et entreprises se rendent compte de l’importance d’un service public alliant solidarité et efficacité. Quel message souhaitez-vous transmettre?

Personnellement, je n’ai jamais remis en cause les valeurs du service public, je suis donc toujours surpris que mes concitoyens les découvrent lors des crises. L’incarcération a rendu visibles des services qui étaient auparavant invisibles ou considérés comme gênants. À titre d’exemple, je mentionne la collecte des déchets ménagers. Avant la crise, nous nous sommes plaints lorsqu’un camion de collecte a retardé notre voyage. Pendant l’incarcération, nous remercions les collectionneurs de continuer à travailler quand nous les voyons passer par nos fenêtres. Le seul message que je veux envoyer aux gens est de ne pas oublier le dévouement des fonctionnaires trop rapidement, et donc de ne pas se plaindre dans la voiture après un camion-benne. Cela s’applique bien sûr à tous les autres services publics. Mais malheureusement, la polyvalence de l’opinion signifie que la lune de miel entre les résidents et leurs services publics ne devrait pas durer plus longtemps qu’un coup de foudre! C’est malheureux, mais les défenseurs de la fonction publique ne sont pas découragés.

Cela est d’autant plus vrai dans cette phase de reprise d’activité. Le soutien de l’État et de la communauté aux entreprises privées est essentiel à leur rétablissement. De nombreux entrepreneurs ont remarqué que l’aide gouvernementale avait été versée, tandis que les banques et les assureurs ont montré peu de solidarité avec leurs clients.

Je veux terminer avec une raison d’espérer. Ces dernières années, les gouvernements locaux ont voulu investir dans des politiques de résilience et de transition énergétique. Cela s’est traduit par des mesures exemplaires, mais souvent isolées avec la rénovation d’un gymnase isolé en pierre de chanvre ici, la création d’un centre d’information là-bas, le soutien à la rénovation de logements ailleurs … À chaque fois seuls les résidents très engagés ont participé à ces actions. Je rêve que davantage de personnes participent à des actions locales et concrètes pour améliorer l’avenir commun. J’ai aussi un rêve pour que les initiatives d’entraide et de solidarité entre les habitants d’un immeuble ou d’un quartier se poursuivent et que l’attention aux voisins demeure.

Séverine Bellina et Hugues Perinel, Réseau de la fonction publique