Une analyse. Les carences du système judiciaire se sont révélées dans l’enfermement imposé au pays par la crise sanitaire. Des tribunaux insuffisamment équipés en matériel informatique, un retard important dans la numérisation des instruments et des procédures, une organisation à la fois hyper-centralisée au sein du ministère de la Justice et des chefs d’appel et qui confère aux tribunaux des pouvoirs importants.
Le constat n’est pas nouveau. Tous les deux ans, la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) établit une comparaison écrasante. Selon les données les plus récentes (2018), la France dépense 64,50 € par habitant et par an pour l’appareil judiciaire, où l’Allemagne dépense 121 €, les Pays-Bas 119 € ou la Belgique 82,30 €.
Au-delà de ces lacunes, la manière dont la détention a été appliquée aux tribunaux remet en question la place de la justice dans la société. Tous les magistrats n’ont pas cessé de travailler. Mais l’incapacité matérielle des greffiers à accéder à distance à la procédure a interrompu le processus judiciaire. Seule la « procédure d’urgence » répertoriée par Nicole Belloubet, ministre de la Justice, ainsi que les comparutions immédiates, ont été maintenues.
Mission royale
La fermeture des tribunaux au public, logiquement compte tenu des exigences sanitaires actuelles, soulève néanmoins des interrogations. Sans précédent dans l’histoire du pays, même pendant les guerres. Ce n’est pas par coquetterie que les magistrats se voient refuser le droit de grève dans leur statut, tout comme les soldats, la police ou les gardiens de prison. Leur mission, considérée comme essentielle, ne doit en aucun cas être suspendue.
Une mission souveraine, si elle existe, serait, à l’instar de la défense nationale ou de la diplomatie, devenue au fil des ans un simple service public susceptible d’être interrompu de la même manière que l’éducation nationale et la Poste? Lorsque l’Elysée et Matignon ont tracé les contours de l’urgence sanitaire, la justice ne semblait pas être une fonction essentielle pour rester actif dans les hôpitaux et les commerces alimentaires. Ils avaient raison, ce n’est pas le sujet.
Mais au-delà de l’urgence et de la surprise? Le gouvernement a appelé les entreprises à reprendre leurs activités à la mi-avril, si la conformité sanitaire le permet. Pas les tribunaux. Certains tribunaux se sont néanmoins organisés en concertation avec des avocats pour étendre la portée de la procédure à laquelle ils pourraient entrer sans admettre un public au-delà des plans de continuité d’activité. D’autres ont attendu jusqu’au 11 mai. La plupart des conseils du travail sont restés fermés.
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