Comment l’armée française a mené son attaque contre la tête d’Aqmi

L’opération s’est déroulée en plein jour. Le 3 juin, à l’extrême nord du Mali, à quelques kilomètres de la frontière algérienne, un 4×4 blanc s’est arrêté. Les occupants sont descendus, ont installé un tapis et se préparent apparemment à passer la nuit dans ce paysage accidenté, où de gros rochers offrent des cachettes discrètes. Une quinzaine de membres des forces spéciales françaises ont lancé l’attaque, avec l’appui aérien de plusieurs hélicoptères et d’un drone Reaper. Les cinq hommes se sont aussitôt écartés à pied, avant d’ouvrir le feu, vers au moins deux d’entre eux, sur les soldats français, très proches ensuite, qui se vengent. Après les combats, le chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Abdelmalek Droukdel, a été tué, ainsi que trois de ses compagnons, dont Toufik Chaïb, qui a été proposé par l’armée française comme responsable de la propagande des groupes terroristes. Tous sont enterrés sur place. Un dernier, plus jeune, finit par se rendre et devient prisonnier. Après l’interrogatoire, il doit être remis aux autorités judiciaires maliennes.

Une photo prise le 28 mai 2020 montre le village de Talhandak, à environ 80 km au nord-ouest de Tessalit dans le nord du Mali, où le leader d'Al-Qaïda au Maghreb islamique Abdelmalek Droukdel aurait été tué par les troupes françaises le 4 juin. - La France a déclaré que ses troupes avaient tué Abdelmalek Droukdel le 4 juin 2020, dans un coup porté au groupe derrière une série d'attaques mortelles dans la région du Sahel en difficulté. Droukdel a été tué dans le nord du Mali, près de la frontière algérienne, où le groupe a des bases

Vue du village de Talhandak, dans le nord du Mali, où les forces spéciales françaises ont annoncé avoir tué le chef aqmi Abdelmalek Droukdel. Photo AFP

L’information est seulement a révélé que le soir du 6 juin sur Twitter par la secrétaire des forces armées Florence Parly. Il représente un succès militaire pour la France, qui opère au Mali depuis 2013 et plus généralement au Sahel depuis 2014, date de lancement de l’opération Barkhane, dont le nombre a considérablement augmenté pour atteindre 5 100 soldats ces derniers mois. Il s’agit de loin de l’opération la plus importante de France, qui n’a pas pu contrer l’augmentation de la violence et la détérioration de la situation sécuritaire dans plusieurs pays de la région, notamment le Burkina Faso.

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Selon une source de l’état-major des armées, la France a entendu parler de la présence « Une cible d’intérêt » dans cette zone deux jours avant la chirurgie. Un croisement de différentes sources d’information a ensuite permis d’en créer un « Visuellement intentionnellement » le 3, jour de l’attaque. La source de cette information est encore inconnue, le chef des armées s’y réfère simplement « Signaux électromagnétiques » montre CA « quelque chose est en train de se passer », qui peut correspondre à une activité téléphonique. C’est assez inhabituel: les groupes terroristes de la région savent qu’ils sont surveillés et sont habitués à cacher des techniques. Les États-Unis, qui possèdent plusieurs bases de drones au Niger voisin, ont déclaré avoir fourni des informations aux militaires français pour cette opération.

Matériel saisi

Tout aussi discutable est la position précise de Droukdel au moment de l’attaque, à quelques kilomètres de l’Algérie. Vient-il de traverser du nord au sud ou est-il sur le point de rentrer en Algérie après un séjour au Mali? Et quel aurait été le but de cette visite forcément risquée au Mali? « Ce n’est pas quelqu’un qui est souvent dénoncé au théâtre », reconnaît le chef du personnel. Pour en savoir plus, l’armée française s’est largement appuyée sur du matériel informatique et a saisi les téléphones du véhicule, qui était toujours intact après l’attaque.

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Ce vol intervient dans un contexte très spécifique pour les principaux groupes terroristes actifs au Mali. Alors que les branches locales de l’État islamique et d’Al-Qaïda au Sahel ont coexisté et même coopéré de manière ponctuelle, elles se font désormais face militairement. Des combats acharnés, que le personnel dit ne pas voir venir, mais qui ne contredisent pas leurs plans, au contraire.

Quelques jours avant l’opération contre Droukdel, Barkhane avait imposé les mains d’un État islamique sous le Grand Sahara (EIGS) et de ses quatre compagnons. Mohamed Mrabat a été arrêté le 19 mai au nord de Gao sans être abattu, a indiqué l’armée française. Ce ressortissant marocain est décrit par le personnel comme un «Ancien chauffeur de jihad au Sahel [ayant] ont une très forte influence idéologique sur le mouvement et jouent un rôle actif dans le recrutement des combattants ». Comme les deux dirigeants de l’EIGS, Mrabat était membre de Mujao, le groupe djihadiste qui dirigeait la ville de Gao. Il le fera maintenant « Répondre pour ses actions devant le tribunal ».

Pierre Alonso